Vipère au poing, je devais avoir quatorze ans, quinze peut-être, un livre de poche avec Alice Sapritch sur la couverture. Je l’ai déménagé je ne sais pas combien de fois ce bouquin coincé parmi d’autres de mes bibliothèques. Je n’avais rien contre ma propre mère, mais la virulence de Bazin m’avait séduit, son histoire chaotique m’avait sidéré. Le style était vif. Je relisais régulièrement des passages. La suite m’a moins saisi, La mort du petit cheval et Le cri de la chouette. Le reste encore moins. Aujourd’hui je me sens trahi, manipulé rétroactivement. Le lecteur aime être manipulé, je suis un lecteur manipulable. Avec le livre récent d’Émilie Lanez – Folcoche chez Grasset – je suis catastrophé. Bazin a manipulé, a menti juste pour se venger et embellir sa sombre vie. Il a profité de sa notoriété pour interdire, pour menacer. Ce n’est plus de la manipulation, c’est de l’escroquerie. Au propre (jeunesse maquillée) et au figuré (notoriété intouchable). Je ne relirai plus jamais La Vipère et Hervé Bazin est mort il y a vingt-neuf ans. C’est mieux ainsi.
