Après la librairie La Fontaine à Vevey, voici venu le temps de Payot à Montreux. Malgré les délais, l’équipe montreusienne a accepté que je vienne signer, samedi 5 novembre, de 11:00 à 12:30. J’y serai avec Lise Favre qui sort Constance, également chez Cabédita. Si mes Pinceaux de Feu suivent le tracé tortueux et sublime du peintre Edgar Mabboux, Constance reprend le destin aventureux d’une Bellerine du début du XXe siècle qui la transporte jusqu’à Saint Pétersbourg d’avant la Révolution et Paris. Jolie écriture, soignée, précise pour une histoire qui se déploie devant nous au travers d’un journal intime qui nous plonge dans un monde aujourd’hui disparu et ô combien attachant. Je me réjouis de partager la même table de dédicaces que son autrice Lise Favre.
Dédicaces à la librairie Payot, Montreux, avenue du Casino, de 11 h à 12 h 30.
Montreux vu par Edgar Mabboux, page 90 des Pinceaux de Feu
Les Pinceaux de feu est sorti de presse. Il est diffusé dans les librairies. Il est entre mes mains. Il me démange. Il me gratte. Il me cajole. Il me sourit.
Jeudi 27 octobre à la librairie La Fontaine, à Vevey je le partage avec vous. Dédicaces à partir de 16:30.
En librairie ou directement chez moi. Frs 25.–
En attendant, voici les premières lignes du préambule des Pinceaux de feu, récit-rencontre avec Edgar Mabboux.
« Automne 1988. Salon des Indépendants, Paris. Tout le monde court autour d’elle : les gardes du corps, les invités, les artistes, les quidams. Elle, elle ne bouge pas. Elle ne semble pas entendre le bruit de la petite foule qui la serre, ne pas sentir la fureur des courtisans qui la pressent, ne pas voir l’impatience des artistes qui frémissent.
Dans le hall d’honneur du Grand Palais, ça se bouscule de partout pour approcher Bernadette Chirac qui doit inaugurer le salon. Mais elle reste là, tétanisée, de marbre. Voyons, il faudrait avancer Madame, couper le ruban ! Mais comme on n’ose pas trop obliger la femme du Premier ministre de la République française, tout le monde piétine, se bouscule, s’invective mezzo voce. La nervosité prend le pas sur l’excitation.
La foule enfle, elle s’impatiente, elle commence à déborder du Grand Palais ; les derniers arrivants ne comprennent pas. Ça pousse, ça grogne, ça joue des coudes, ça fulmine. Mais que se passe-t-il devant ? Avancez ! Bernadette Chirac reste en pâmoison devant Riviera vaudoise, un superbe coucher de soleil sur Montreux et le lac Léman. Le tableau d’un petit Suisse inconnu, Edgar Mabboux. Le meilleur tableau du salon, elle le sent. Pourquoi aller plus loin ? doit-elle se dire. S’il n’y avait pas tous ces ennuyeux… »
Je suis presque jaloux. Sarah Jollien-Fardel sort un livre qui m’a ébloui: Sa Préférée. Chez Sabine Wespieser, éditeur. Je l’ai lu (et relu par passages entiers) en quelques heures, fasciné par la limpidité du style, sa capacité à réinventer des scènes affreusement répétitives. En fait, l’histoire de cette Préférée est banalement insupportable. Des histoires dont on nous rebat les oreilles depuis longtemps maintenant, mais qui fait mouche, qui réinvente l’horreur d’un quotidien sordide. Une femme battue, deux enfants battues, j’ai failli ne pas ouvrir le livre. Ces situations, ces vécus tellement racontés; jusqu’à l’écœurement… Et là, dès les premières lignes, on se laisse captiver par le récit, déjà suspendu au style qui vacille entre puissance et légèreté. Du grisou à l’état brut ! Et jusqu’au bout. Jusqu’au final qui m’a laissé pantois, incrédule. Mon âme a rendu les armes. Moi qui sue pour bricoler des fins, me voilà crucifié. Non… Je suis sous le charme, comme je ne l’ai jamais été depuis fort longtemps. Je ne sais plus depuis quand. Je m’en fiche. Ce livre est une preuve que la belle littérature est diablement vivante. Merci à Sarah Jollien-Fardel.
Je vous l’avais annoncé, mon troisième bouquin: Les Pinceaux de Feu devait sortir en librairie ces jours-ci. Las! La guérilla du papier sévit, fait rage, me prend en otage… Le livre est retardé d’un mois. Prochaine sortie: le 26 octobre. Pour vous remercier de me suivre sur ce blog, je vous propose une image du bouquin. À savoir, une photo du peintre Edgar Mabboux dans son atelier. Edgar Mabboux ? Le héros du livre. Une histoire incroyable, un talent explosif, un récit sans répit… Encore quelques jours de patience.
Le long du chemin en gravier, la Bousse coule paresseusement. C’est à peine si le bruit de son courant n’effleure les oreilles. La preuve, j’ai failli trébucher dans son lit recouvert de verdure.
Le hasard ou le destin m’ont fait passer près de la nouvelle caserne de Saint-Légier au-dessus de Vevey. Un ensemble duplo de onze immeubles, alignés au cordeau pour empaqueter 150 logements, soit 300 à 400 petits soldats du ça m’suffit contemporain. Avant, il y avait des prairies en pente douce jusqu’à l’autoroute et un ru – La Bousse – enfoui sous terre, dans une canalisation invisible. Avec l’ouverture de la caserne de Grandchamp (nom du quartier duplo qui dit bien ce que c’était avant l’arrivée des pelleteuses et trax), une lueur de bonheur était apparue : la remise à l’air libre de quelques dizaines de mètres du ruisselet La Bousse. Merci grands seigneurs du béton ! Merci beaux vizirs de l’administration ! Merci promoteurs avisés ! Un peu de nature.
Las, c’était sans compter sur l’illumination citadine de certains nouveaux arrivants. Deux gros bras de la délicatesse qui demandèrent la remise sous terre du ru. « Qu’il soit à jamais cadenassé dans un tube de béton, six pieds sous terre, jusqu’à la fin des temps.» Et pourquoi donc ? « Parbleu ! Cette Bousse fait trop de bruit. Mes oreilles bourdonnent, mon esprit fulmine, nuit et jour. Cachez ce ru que je ne saurais plus entendre ! Que ma caserne respire… » Ou à peu près. J’imagine les vociférations audibles jusqu’au lac.
Je m’arrête en bas du sentier.
Pour entendre le filet de bruit de la Bousse, je dois me pencher au-dessus de son petit cours et tenter d’oublier le ronflement incessant de l’autoroute toute proche. Les deux compères mécontents ont raison, le ru fait glouglou. La cour de droit administratif et public, la sourcilleuse (pas toujours) CDAP a donc donné raison aux deux copropriétaires grincheux : il faut faire taire la Bousse, couper son son, con !
Je reprends mon chemin et pense à tous ces urbains venus envahir les campagnes à bord de bâtiments bétonnés, tout surpris d’acheter un appartement sur plan et de constater que la campagne vit, que ses bruits n’ont rien à voir avec les sonneries des indispensables smartphones.
Vite, rentrons à la ville ! Ces sons me crispent, cette nature morte m’agace.
Notre vie est un voyage / Dans l’hiver et la nuit / Nous cherchons notre passage / Sous le ciel où rien ne luit…
Céline et son Voyage… pour mieux servir Tesson et sa réédition de Bérézina dans la belle collection Bouquins, chez Robert Laffont. Je m’y plonge, je m’y suis plongé, je m’y plongerai encore. Actuellement, je chevauche la vieille Oural, oeuvre des Soviétiques d’avant Poutine, side-car planté devant Borodino, j’ai déjà mangé 120 kilomètres depuis Moscou, il m’en reste 2700 jusqu’à Paris, quatre-vingt-cinq pages à dévorer pour vaincre Bérézina. Quel livre stimulant, quelle prose déliée, quels propos intelligents, quelles leçons de vie ! Il faut partir vite, il faut tourner les pages lentement, il faut aller découvrir et revenir pour contempler ses richesses. Et sur le chemin de l’Empereur, on arrête bien entendu la moto sur la Bérézina, entre Minsk et Kiev. Les troupes de Napoléon en 1812 y avaient repoussé celles de Koutouzov et la retraite de Russie avait pu se poursuivre, et finalement mal se terminer. Aujourd’hui, plus au sud de la Bérézina (au Bélarus), les armées ukrainiennes vont-elles repousser les hordes du tsar Poutine ? Je retourne à ma lecture… À bientôt !
Une perle de plus dans la collection Bouquins de Robert Laffont
Avec «Le Grand Monde», l’auteur d’«Au revoir là-haut» inaugure une nouvelle et formidable fresque dédiée aux Trente glorieuses. Le Temps a rencontré un marathonien du roman. Et j’ai aimé. L’auteur, le livre, l’interview.
Dans le clair-obscur façon commissaire Maigret d’un grand hôtel genevois, Pierre Lemaiftre vous raconte comment il doit tout à Au revoir là-haut, Prix Goncourt en 2014: la notoriété, l’argent, la liberté d’échafauder des cathédrales romanesques. Le Grand Monde ouvre une tétralogie dont les Trente Glorieuses sont le théâtre et la guerre d’Indochine le premier acte.
Il commande un Lagavulin 16 ans, on le suit et on plonge avec lui dans le Grand Monde, cet établissement de Saigon qui est un chaudron où bouillent, dans la même huile, affairistes, courtisanes, légionnaires. Cette galerie de tordus est celle d’une opérette avec ses refrains burlesques, ses coups de théâtre, ses changements de vitesse haletants. Pierre Lemaitre orchestre leurs chants sans jamais perdre haleine. Ce coureur lent n’a pas enchaîné les marathons pendant trente ans sans en garder le vice. La jouissance du second souffle.
Le Temps: Pourquoi installer votre théâtre au cœur des Trente glorieuses?
Pierre Lemaitre: C’est mon époque. Je suis né avec, en 1951, quand au désenchantement de l’après-guerre succède une forme d’euphorie. On est dans l’ascenseur social. On achète son appartement, une Dauphine, un poste de télévision en noir et blanc. Mais c’est le cliché. Si on le gratte, on rencontre l’abbé Pierre, les bidonvilles, les habitants qu’on chasse pour pouvoir construire les périphériques. Le stéréotype dit en partie vrai, mais cache les coulisses de la prospérité: le bien-être masque le mal-être.
«Le Grand Monde» met en lumière l’année 1948 et la guerre d’Indochine. Eric Vuillard publie ce printemps un roman – «Une Sortie honorable» – qui exhume cette période. Etait-elle refoulée?
Je dirais plutôt qu’elle était oubliée. Elle était lointaine et on l’a mise à distance, au point qu’elle s’est diluée dans les mémoires, contrairement à la guerre d’Algérie, qui était une guerre de conscription. En Indochine, seuls les militaires de carrière ont combattu. Elle n’a intéressé en métropole que ceux qui avaient de l’argent à placer et à gagner là-bas. Car ce conflit correspond aussi à l’acmé d’un certain capitalisme français.
Le grand sujet de vos romans, c’est la corruptibilité des êtres et du système. Pourquoi cette obsession?
La corruption est inhérente au capitalisme pour des raisons simples et mécaniques. Il privilégie la rentabilité à court terme, le circuit rapide. C’est ce qui se passe à ce moment-là en Indochine. Il n’y a pas plus juteux que la prévarication.
A vous lire, l’état de nos démocraties est inquiétant. Qu’y a-t-il à sauver?
Il y a un idéal qui résiste dont certains de mes personnages sont porteurs: François Pelletier a une conception de la presse, son frère Etienne est animé par l’amour. Je critique le capitalisme et ses ravages, mais je ne désespère pas de l’homme. Je ne suis pas un auteur pessimiste.
Qu’est-ce qu’un personnage réussi?
C’est une figure ambiguë que le lecteur peut détester à des moments, aimer à d’autres. Dans ce roman, Jean est un serial killerépouvantable, mais aussi un fils et un mari pathétique. On le condamne, mais il vous touche quand même. De toute façon, si un personnage n’est pas à la hauteur, je le licencie sec!
Dans votre trilogie «Les Enfants du désastre», vous couvriez la période allant de 1914 à 1945. La tétralogie que vous ouvrez embrasse les trois décennies suivantes. Qu’est-ce que l’histoire apporte au romancier?
Je me sers de l’histoire comme d’un instrument, je n’ai pas de réflexion historique. Je l’utilise pour essayer de comprendre le monde. Très prosaïquement, j’écris sur mon siècle, le XXe qui a commencé avec la Première Guerre mondiale et s’est terminé avec la chute du Mur en 1989. Je ne raconte pas le siècle, je feuillette un album de photographies, la période pendant laquelle j’ai été fabriqué.
Quel est l’auteur que vous enviez?
Je pourrais citer l’Américain John Dos Passos et sa trilogie USA.Mais celui que je jalouse, c’est Emile Zola. Je suis fasciné par la page manuscrite où, vers 1868, il établit la liste des vingt livres qui vont composer Les Rougon-Macquart. Il pose les titres, se donne vingt ans pour les écrire et réalise son dessein en vingt-deux ans. La puissance de conceptualisation que cela suppose me dévaste!
Elle ne vous est pas étrangère pourtant, avec votre tétralogie…
Mais non! Je suis un besogneux, je fais mon petit ouvrage pas à pas, livre après livre. Et je fabrique la théorie a posteriori. Zola, Victor Hugo, Alexandre Dumas sont des héros de la conceptualisation, leur puissance n’a pas d’équivalent. Je suis baba devant Hugo, sa capacité de suivre le fil de son récit et d’embarquer le lecteur dans des diversions qui finissent toujours par ramener au cœur de l’histoire.
Vos personnages sont souvent des petites gens. Est-ce un parti pris politique?
J’écris pour les concierges et j’écris sur les concierges. Ce que je veux dire, pour faire court, c’est que j’écris sur la classe dont je suis issu pour la classe dont je viens. Mon boulot est d’essayer d’être un témoin loyal entre l’Histoire et mon histoire.
Le roman est-il une forme de consolation pour le lecteur?
Je déteste la notion du roman qui vous fait du bien. Mais si la vie était suffisante, il n’existerait pas. De ce point de vue, il offre une forme de consolation. C’est parce que la vie n’assouvit pas nos aspirations que la littérature a son utilité.
«Le Grand Monde» emprunte au feuilleton sa nervosité. Comment définiriez-vous un roman populaire?
J’aime bien l’image de l’opérette, ce genre qui dit des choses en apparence superficielles et sottes, mais très vraies au fond. Je revendique cette culture-là, celle aussi des chansons populaires.
Quand savez-vous à coup sûr que le roman est achevé?
Je sais au départ qu’il fera 580 pages, c’est mon format depuis Au revoir là-haut, qui ouvrait la trilogie Les Enfants du désastre. J’ai été marathonien: je sais ce que c’est que de courir 42 kilomètres et 195 mètres. Mais arrive le moment de l’épuisement. Je donne une première version à mon premier cercle, mon épouse et mon agent. Je fais une deuxième version, puis une troisième que je soumets à mon éditeur. Je prends en compte ses remarques et fais une quatrième mouture. Et puis là, j’arrête! J’ai travaillé dix-huit mois sur le livre, j’ai pensé jour et nuit aux personnages, j’en ai rêvé. Il faut admettre que la ligne d’arrivée est franchie.
Quand avez-vous su que vous seriez écrivain?
Je l’ai toujours su. Vers l’âge de 11 ans, avec mon copain Pelletier, nous avons décidé d’écrire un roman. Nous n’avons écrit que deux pages, mais c’était inaugural. La littérature n’avait pas de concurrent à mon époque. Dès que j’ai vécu mes premiers enthousiasmes de lecteur, j’ai eu la certitude que c’était cela que je devais faire. Après, comme je suis un homme lent et tardif, j’ai attendu l’âge de 56 ans pour publier.
Qu’est-ce qui fait de vous un écrivain?
Tout ce que je vois, tout ce que je vis se transforme en fiction. Je ne peux pas faire autrement.
Le style pour vous, c’est quoi au fond?
Pierre Assouline demande à Georges Simenon, dont il a été le biographe: «C’est quoi votre style?» Simenon répond: «Il pleut.» Je suis un styliste sur ce plan-là. Le journaliste Jérôme Garcin a dit un jour quelque chose sur moi que je trouve juste: «Lemaitre a une écriture modeste». Je viens de cette classe-là, j’ai un rapport à la littérature qui est un rapport modeste.
Quel est le livre qui a changé votre vie?
Les Misérables d’Hugo, Les Trois Mousquetaires, Vingt ans après et Le Vicomte de Bragelonne d’Alexandre Dumas et A la recherche du temps perdu de Proust. J’ai senti qu’à partir de ces lectures ma vie prenait une autre direction et que ma vision du monde changeait.
Quelle vision au juste?
Avec Dumas, j’ai compris qu’une pensée abstraite pouvait s’incarner dans une action. Avec Proust, qu’on ne connaissait jamais le fin mot de l’histoire et qu’il était toujours possible d’aller plus loin dans la compréhension de la psyché. Avec Hugo, que la littérature pouvait empoigner le monde.
Pierre Lemaitre, «Le Grand Monde». Roman, Calmann-Lévy, 592 p.
LS – YB : 2 – 2… Ça fait bizarre sur ce blog, non ? Du sport, pouah ! Du foot, beurk ! Et bien oui, je vous livre mes intérêts. Enfin surtout un qui me tient à coeur… Je suis un fan du FC Lausanne Sport. Depuis toujours. Peut-être parce que c’est la ville de ma maman, parce que j’ai connu une soirée des Seigneurs de la nuit, parce que j’ai adoré la Pontaise, ce vieux stade d’un autre temps, parce que monter sur les hauts de la ville, ça n’a pas toujours été un chemin vers Golgotha ! D’autre part, la littérature n’interdit pas les plaisirs légers. Donc, le LS, c’est mon petit jardin cinglé, où je m’éclate sans vergogne. Je crie, je pleure, je lève les bras, je me prends les cheveux, je gueule. Et comme mon LS vit une saison affreuse – avec en point de mire une piteuse relégation – j’ai décidé de partager avec vous ce match nul. Un nul comme une victoire. Oui, le LS n’a plus gagné depuis… novembre, octobre 2021 ? Je ne sais plus, je ne veux plus savoir. Je veux savourer ce point et oublier, avec vous, toutes ces longues semaines de disette et de tristesse. Parce que la direction technique (DT) a… failli. Là, je mesure mes mots, car cette vilaine DT est déjà descendue au dixième sous-sol de mon estime de supporter. Que dis-je ! de membre de la famille ! Oui, je suis blanc et bleu de coeur depuis soixante ans, et donc de facto je suis de la famille ! Et c’est bien pour cela que j’accompagnerai le moribond de la première division helvétique jusqu’au cimetière. Une question de dignité familiale ! Et puis, on ne sait jamais, le moribond pourrait se réveiller. Après YB (Young Boys), il pourrait y avoir Lugano, Servette (Genève), GC (Grasshopper Zurich) et Lucerne, voire Bâle, Saint-Gall, Zurich, et cerise sur le gâteau Sion. On se voit au stade?
Crénon ! « On est genre une centaine, chill. » L’entrée du Départ de Feu d’Adrien Gygax avait tout pour m’exaspérer… chill. Cette expression jeuniste, à la mode des années dix (2010), bien dans la dispersion de nos si chers millénials me bloque. À chaque intonation de ce tchillllll, je me butte ! Normal, je suis un double millénial, un double chill. Et pourtant ce diable de Gygax a réussi à me faire passer de cette entame scabreuse à une deuxième phrase, puis à un paragraphe, enfin à des chapitres… Je me suis laissé embarquer par cette histoire toute simple et banale d’un solide burn out. César, c’était moi; ses faux-amis, mon voisin, mon copain, mon prochain; Montricher et sa forêt magique, mes toilettes, la Polynésie et ses gourous climatiques, ma terrasse. J’ai aimé cette déambulation entre ici et là-bas, à l’intérieur d’une âme à la ramasse. J’ai goûté aux rencontres de tout poil et aux personnages tellement ambivalents. J’ai reconnu les doutes universels, j’ai découvert une génération si proche, déjà lointaine. Le style est fluide, le vocabulaire précis, la syntaxe à toute épreuve. Les références, Nietzsche, Héraclite, Thoreau, ça pouvait faire peur, mais leurs résurrections sont passagères ( même pas le temps de se prendre les cheveux). Et si vous sentez quand même une petite nausée, passez à la page 128 et offrez-vous une rasade généreuse de gentiane de chez Bonny aux Charbonnières. Gygax est un esthète tranquille, un dandy sans excès, un auteur de qualité supérieure. Si vous n’avez pas de temps à perdre, lâchez votre ouvrage et prenez Départ de feu à pleines mains !
Avec la parution de son premier roman, mon complice Raphaël Guillet me rejoint sur les gondoles des librairies. Il reste Claude, le troisième larron de la grande aventure du Joufflu. Je suis impatient de le voir prochainement édité. Raphaël donc. Doux comme le silence a été publié en décembre 2021 et va être bientôt être réédité aux Éditions Favre à Lausanne. Que du bonheur ! En deux mots, il s’agit d’une enquête policière qui touche une actualité extrêmement brûlante : la chasse au bruit dans la ville, le bruit des mobiles, le chahut que nous générons, toutes et tous, chaque minutes, via nos téléphones portables. Face à ce vacarme éreintant, nous restons le plus souvent muets, sauf un type. Victor Morand. Lui les hurleurs de smartphones, il les bute ! Comme ça, vous connaissez le vilain dès les premières lignes. Le talent de Raphaël est de nous tenir en haleine : le tueur va-t-il s’en tirer ? Son combat nous plaît, le bonhomme un peu moins, reste qu’il est futé, bien organisé et bougrement ambitieux. Il tue, s’en va, se cache, attend et… recommence. Ça donne envie, non ? Oui, évidemment, surtout qu’avec Claude, on a pas mal aidé l’auteur… Le Joufflu, c’est la bande des trois, depuis quarante ans.